CONFERENCE DE PRESSE PALAIS DE TOKYO
" AFFAIRES DES SQUATS "
Le 10.9. 2002

Je dédie ce message aux femmes qui sont mortes, de mort dramatique dans les squats.
Je m'appelle Ody Saban. J'ai commencé à squatter en 83, rue d'Arceuil. J'ai trouvé et ouvert le squat Art Cloche 2, rue d'Oran, Citroën, 5000 mètres carrés sous verrière.
Ce n'est pas par hasard que le premier squat connu Art Cloche 1, rue d'Arcueil, était un ancien dépôt de bombes. Nos bombes ne tuent pas mais on a envie de faire de la place. Les squatteurs peuvent être très violents mais, ils ont beaucoup de respect pour la liberté. Les espaces que nous prenons ont l'air gigantesques, mais sont seulement des espaces humains. C'est incroyable comme on veut nous faire vivre dans un monde petit, comme la plupart des gens sont obligés d'être petits, comme leurs yeux sont petits... ils vivent dans des boites faites pour les rendre encore plus petits et maintenant on a trouvé des boites encore et toujours plus petites pour vivre dedans. Alors, on appelle ça des postes de télévisions, ou des computers. On nous promet que bientôt on vivra là-dedans toute la sainte journée catholique romaine. Certains le font déjà. Je ne sais pas comment ils font l'amour là-dedans. On appelle ça le progrès. Un monde où chaque millimètre carré a l'obligation d'être utile sous peine de fatwâ. Mais les atomes, eux aussi, explosent.
Ouvrir un squat c'est ouvrir un immense espace-temps énigmatique. Il y a toujours des géométries involontairement belles, des lumières étranges, des objets mystérieux, des choses insaisissables et merveilleuses, des énigmes partout. Une autre vie passée, une autre vie possible. Paradoxalement le risque permanent d'expulsion est un bien, un facteur dynamique. Ce risque enseigne à préférer la liberté à la propriété. L'espace du squat semble être en résonance avec des moments de la mémoire de chacun. On se retrouve spontanément à la recherche d'une mémoire imaginaire. Parfois cela se retrouve dans les oeuvres.
Il n'y a pas d'esthétique de squat. Ceux qui veulent enfermer nos œuvres et nos cérémonies dans une école, ceux qui veulent enfermer le mouvement dans des règles esthétiques sont condamnés à l'échec. Nous sommes le contraire d'une école. Je connais un squatteur qui fait des œuvres de feu, des cérémonies avec du feu. Je connais une squatteuse qui peignait des prostituées dans des tableaux très esthétiques avec des couleurs très chaudes mais quand on s'approchait on voyait que leur regard était mort. Moi, j'invente des mythes nouveaux pour une civilisation nouvelle. Ces démarches sont complémentaires mais extrêmement différentes.
Nos buts sont opposés à ceux du Palais de Tokyo. Les vrais squatteurs veulent élargir le champ de l'art vers un art de vivre, une poésie de vie. La politique du Palais de Tokyo c'est l'inverse. Elle veut supprimer l'art au nom des concepts à la mode, de la science qui nous tue. L'essentiel ce ne sont pas les œuvres, c'est la vie. Seulement pour la vraie vie les œuvres sont un moyen indispensable.
Si on dit que ce qui est important pour un oiseau n'est pas d'avoir des ailes, mais de voler, et qu'alors, en conséquence, on coupe les ailes de l'oiseau, on se trompe. Il y a des gens qui font ça. Merci.

Ody Saban