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Paris le 04/07/2002

A PROPOS DES SQUATTS

Je serais tenté de dire qu’on ne présente plus Ody Saban, surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer l’aventure des squats parisiens dont elle est l’un des pionniers et non le moindre. Cette histoire prend ses origines juste avant le début des années 80 lorsque les autorités municipales décident de détruire les bâtiments vétustes qui abritaient jusqu’alors de nombreux ateliers d’artistes. Une douzaine de créateurs fondent alors l’Art Cloche et s’installent dans des squats ouverts au public. Ody Saban les rejoint dès 1983 et met son inépuisable dynamisme et sa soif ardente de liberté au service de ses amis. Depuis son plus jeune âge, elle mène un combat généreux pour l’indépendance des femmes et la reconnaissance de leur identité.Dans la logique de cette attitude elle s’est battue pour imposer sa présence dans le groupe d’une douzaine d’hommes qui l’ont accueillie comme un des leurs dans leurs initiatives dont elle est devenue la fervente animatrice. Ne bornant pas son action à sa seule admission dans cet aéropage créatif, elle a contribué à en ouvrir davantage les portes malgré les réticences de certains squatteurs misogynes. Elle a du se protéger et résister aux menaces exprimées dans des moments difficiles, mais elle est parvenue à s’imposer en devenant une interlocutrice à part entière, respectée et écoutée par l’ensemble des artistes concernés. Le nom d’Ody Saban est indéfectiblement lié à la notion d’Art Cloche, ce nom qui s’inspirait de la présence préalable de clochards dans ces lieux désaffectés ensuite récupérés par quelques créateurs. Ody Saban a porté cette aventure avec toute cette énergie générée par sa lutte permanente dans le milieu même de son enfance où les voix des femmes avaient et ont encore pour partie, beaucoup de peine à se faire entendre. Art Cloche était sa croisade. Elle s’y trouvait en osmose. Et, bien sûr, Art Cloche faisait peur. Par cet attachement primordial à la liberté, par l’état de rébellion constante contre les règles établies, par ce besoin viscéral d’indépendance par rapport aux systèmes institutionnels, par la marginalité délibérée, assumée par les acteurs de cette démarche tendant à favoriser la meilleure expression de la créativité. Art Cloche a connu bien des péripéties. D’autres expulsions amenant à d’autres recherches de lieux propices à la poursuite de la bataille. Mais il y a le côté positif des choses. En récupérant des immeubles à l’abandon, les artistes squatteurs assainissent le secteur en lui donnant une coloration culturelle. Ce qui convient particulièrement à Ody Saban dont la conception personnelle d’un certain ordre social qu’elle sait obligatoire l’amène à apprécier une sorte de sécurité, conquise de haute lutte et permettant l’installation d’une ambiance favorable à la création. Aujourd’hui, Ody Saban vit sa vocation artistique dans la plus complète indépendance, après avoir renoncé à participer aux divers mouvements d’ensemble auxquels elle a apporté son ardeur combative. Mais on ne saurait oublier son rôle essentiel, ni la place considérable qu’elle a occupé dans cette belle histoire. Alors que se dresse ce qui ressemble à un bilan, il convient de lui rendre justice et de lui donner la place qui lui revient.

GERARD SENDREY ( A partir des propos reucueuillis auprès d'Ody Saban)