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KRIA
Inéluctablement, les procédures judiciaires et
administratives contre les squatts suivent leurs cours et un jour, souvent très
tôt le matin, (car il y a moins de monde) une poignée d'uniformes,
monochromes armés, pénètrent dans l'univers bariolés
protéiformes légèrement énigmatique des squatts
dits artistiques. Beaucoup d'oeuvres finissent par être abandonnées.
Chaque expulsion a toujours été pour moi comme pour beaucoup d'autres
un moment d'une extraordinaire brutalité symbolique, d'autant plus forte
que son surgissement est tout à fait imprévu les arcanes des procédures
n'étant pas accessibles aux squatters. Quelque soit la violence policière,
elle n'est rien, en général à côté de la violence
symbolique. Un squatt fermé c'est une civilisation miniature déchirée.
J'ai pris, l'habitude d'opposer à la déchirure à visée
essentiellement "réelle" opéré par les"forces
de l'ordre" une autre déchirure essentiellement symbolique, celle
d'une toile. Ce rituel de tissu déchiré dérive directement
de l'antique tradition juive de la Kria dont des équivalents abondent
notamment dans le monde méditerranéen et mésopotamien.
Cette tradition veut que les vêtements des personnes endeuillées
soient déchirés.
Bien qu'un ou plusieurs nouveaux squatts soient rapidement ouverts, c'est de
véritables deuils qu'il s'agit et de nombreux squatteurs tombent dans
la dépression. Toutefois la mort des squatts est une mort dont la plupart
des squatteurs ressentent la nécessité. Les squatts qui durent
trop longtemps se figent inévitablement puis s'encroûtent, se décomposent
ou se pétrifient.
Dans ce cas, les squatteurs les plus conscients partent avant la fermeture.
La course de ce vieillissement prématuré est le développement
de hiérarchies artificielles qui vont de paire avec les compromis de
plus en plus honteux et vicieux avec les institutions.
La mort des squatts sous forme d'expulsion est pour cette raison paradoxalement
salutaire. C'est pourquoi mes Krias n'étaient pas que tristesse.
Ils contenaient aussi l'espoir d'un renouveau.
Ody Saban 2002