Quand
j'étais cerf-volant à Manhattan
La première chose qu'on voit à Manhattan c'est le ciel. Créer
un cerf-volant avec de multiples couches de papiers de soie collés
les unes aux autres, dessinées et aquarellées, c'étais
pour moi affronter la violence contenue de la ville par l'expression de l'insouciance,
de la légèreté de la vie. Je n'avais aucun projet et
j'avais envie d'envoyer des ballons dans le ciel.
Ce cerf-volant devait s'élever légèrement. Quand je regardais
le ciel je désirais monter et monter. Je voyais beaucoup de bleu car
de chaque rue je voyais le ciel.
La forme du ciel que je voyais c'était comme une matrice et ce papier
découpé était comme une peau de bête que je travaillais,
que je mouillais et que j'amincissais parfois tellement qu'il arrivait qu'il
se déchire.
Si j'ai construis ce cerf-volant de sept mètres pendant un an c'était
aussi pour avoir moi-même une nouvelle peau résistante et en
même temps sensible, gardant la mémoire en couches superposées.
Ces sculptures en papier de soie superposées ont eu une longue et fertile
postérité (personnages grandeur nature, moulages, grandes pyramides
sur leurs pointes, masques...)et j'en fais encore aujourd'hui.
Ody Saban 2002